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Les grandes questions oubliées de la COP21

mardi 1er décembre 2015

Quelle que soit son issue, la ­conférence de Paris risque de laisser en chemin de grands enjeux qui déterminent l’avenir de la planète. L’humanité, comme l’ensemble du vivant, en dépend pourtant.

L’OCÉAN

Jusqu’à présent, il a été l’un des grands absents des négociations sur le climat, mais le sujet devrait être abordé le 2 décembre, dans le cadre de « l’agenda des solutions », un processus mis en place par l’ONU à Lima (Pérou) en 2014 pour partager les bonnes pratiques avec la société civile.

« C’est la première fois en vingt et un ans que cette question sera abordée », se félicite la ministre de l’écologie, Ségolène Royal. Ce jour-là, la question de l’eau douce, absente également du processus préalable à la COP21, devrait aussi bénéficier d’une demi-journée de discussions.

L’enjeu est capital :

le milieu marin, qui couvre plus des deux tiers de la surface du globe, produit plus de 50 % de l’air que nous respirons. Ce grand régulateur du climat absorbe environ 30 % du CO2, et a besoin d’écosystèmes en bonne santé. Il est donc urgent d’enrayer l’acidification de l’océan qui menace directement des espèces et aura un impact sur les chaînes alimentaires marines.

La France a l’intention d’obtenir des pays membres de la COP qu’ils commandent au Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) un rapport spécial sur l’océan. En faisant cette annonce le 12 novembre, Ségolène Royal a repris une des revendications de la Plate-forme Océan et climat, une alliance de scientifiques, de centres de recherche, d’universités, d’ONG, de la commission océanographique de l’Unesco, qui œuvre depuis 2014 pour une meilleure prise en compte de l’océan dans le futur accord de Paris. La mobilisation de la société civile n’a pas été vaine. La question de l’océan sera discutée en parallèle sur le site du Bourget les 3 et 4 décembre, dans les espaces Générations climat. A Paris, plusieurs rencontres ludiques et sportives de­vaient permettre d’évoquer le rôle fondamental de l’océan dans la machine climatique, avant que les attentats du 13 novembre ne remettent en cause la tenue d’événements festifs.

LA BIODIVERSITÉ

Un quart des espèces vivantes, petites et grandes, pourraient disparaître d’ici à 2050

selon l’Union internationale pour la ­conservation de la nature. Déjà, une grande partie des mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens, qui souffrent du changement climatique, voient leur taille diminuer, souligne le WWF, le Fonds mondial pour la nature. Les bouleversements de leur rythme biologique ne sont pas seuls en cause. Les menaces tiennent surtout à l’assèchement accéléré des zones humides – en partie lié au réchauffement –, à la déforestation, à la violence des cyclones et à tout ce qui concourt à détruire les habitats naturels.

La biodiversité n’est pas directement inscrite au programme de la COP21.

Pourtant, elle tient un rôle clé puisque les écosystèmes captent et stockent le carbone grâce à la photosynthèse. C’est vrai des espèces terrestres comme des ­espèces marines. L’Association française d’halieutique, qui fédère les chercheurs français spécialistes du domaine des pêches, vient à son tour de lancer un appel en faveur d’un ­accord pour le climat. Faute de quoi, les ­ « conséquences dramatiques » des nouvelles répartitions des populations de poissons pourraient mettre en péril la sécurité alimentaire dans certaines régions du monde.

LES DÉPLACÉS ENVIRONNEMENTAUX

Sécheresse, inondations, ouragans, tremblements de terre, érosion des côtes :

selon l’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), entre 2008 et 2014, les catastrophes naturelles ont jeté sur les routes 166 millions de personnes, soit 27,5 millions en moyenne chaque année.

La question des migrations forcées ne figure pas non plus au menu des négociations climatiques. Pourtant, à titre d’exemple, le Bangladesh devra gérer d’ici à 2050 entre 13 millions et 40 millions de déplacés climatiques, chassés du littoral par l’érosion qui va lui faire perdre 17 % de son territoire. La société civile presse les Etats de tenir compte de la question des ­déplacés lorsqu’ils débattront des mesures d’adaptation au changement climatique en ­faveur des pays en développement.

Le dérèglement climatique constitue un facteur majeur de déstabilisation, insistait le cinquième rapport du GIEC publié en octobre 2014. Les populations qui seront les plus exposées aux conséquences des événements météo­rologiques extrêmes se trouvent dans les pays à faibles revenus. « Le Nord s’inquiète de l’arrivée massive de gens fuyant leur région, constatent les ONG. Mais la majorité des migrations ­environnementales s’effectuent entre pays du Sud. Ce sont eux qui paient le prix fort. »

LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Jusqu’alors tenue à l’écart des négociations sur le climat, la question de l’alimentation des populations est apparue lors de la première session préparatoire de la COP21 à Genève, en février. Mais elle a fait l’objet d’intenses tractations. D’abord inscrit dans le tout premier projet d’accord, le sujet a été retiré de la synthèse de vingt pages pré­sentée le 6 octobre par les deux coprésidents des débats, puis réintroduit sous la pression des pays en développement, à Bonn, fin octobre, dans le préambule du projet d’accord.

Or la situation est déjà inquiétante.

Selon le département américain de l’agriculture, la production mondiale de blé des quinze der­nières années n’a pas permis de satisfaire la demande. Et le réchauffement climatique pourrait faire chuter les rendements de 30 % dans de nombreuses régions d’ici à 2050.

Rien ne dit que la question de la sécurité alimentaire sera explicitement mentionnée dans le texte final. Impossible encore de savoir si elle figurera dans l’article 2, qui fixe les ­objectifs sur lesquels les Etats sont censés ­s’engager. Certains pays du Nord sont tentés de sortir cette notion de l’accord de Paris afin d’éviter à leur secteur agricole de se voir im­poser de nouvelles contraintes au nom du ­respect des droits de l’homme.

Ils défendent l’idée que la sécurité alimentaire relève de l’aide au développement et de la lutte contre la pauvreté. Pour bien des nations du Sud, elle apparaît au contraire indissociable de la problématique du dérèglement climatique. Le réchauffement de la planète fait en effet peser de fortes incertitudes sur leur agriculture, et par là même sur les moyens de subsistance de leurs populations.

Dans un rapport publié le 8 novembre, la Banque mondiale rappelait aux Etats que

« changement climatique et pauvreté sont inextrica­blement liés »

. Elle appelait à la fois à mener une offensive contre les émissions de gaz à effet de serre et à conduire des politiques de développement, notamment agricoles. Seule cette stra­tégie conjointe pourrait en effet atténuer la vulnérabilité face aux dérèglements climatiques.

Laetitia Van Eeckhout
Journaliste au Monde
Martine Valo
journaliste Planète

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/11/27/les-grandes-questions-oubliees-de-la-cop21_4819378_4527432.html#kh7PXaYPot77JMMc.99

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