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Nous étions place de la République dimanche - Témoignages...

mardi 1er décembre 2015

Bonjour à tous,

Nous étions une vingtaine à partir de la gare de Joigny dimanche matin pour participer à la chaîne humaine à midi à l’appel de nombreuses associations. Il y avait également un appel à un rassemblement contre l’État d’urgence interdisant toute manifestation contre la Cop 21 à 14 heures , place de la République.

La chaîne était bon enfant, colorée, vivifiante,
beaucoup de jeunes conscients des grands enjeux du réchauffement climatique, de la pression des lobbys et des puissants de ce monde, bref une pensée critique très aiguisée sur le système mortifère dans lequel nous sommes… et aussi une grande colère par rapport à cet Etat d’urgence qui muselait toute expression citoyenne alors qu’aucune interdiction ne pesait sur toutes les manifestations commerciales organisées dans le pays, et que des perquisitions ou assignations à résidence étaient déjà tombées sur des militants écologistes (maraîchers bio, zadistes, etc.). La grande messe des puissants allait donc commencer sans nous, et en criminalisant toute contestation…

J’étais avec quelques-uns en queue de chaîne, à Oberkampf, près de la place de la République… La chaîne était déjà constituée de deux files… près de 10 000 personnes, ce n’était pas simple à aligner sur les trottoirs bondés. Face à notre joyeuse guirlande humaine, sur le boulevard, un important dispositif policier, les fourgons des CRS étaient là, à la queue leu-leu… bien harnachés et casse-croûtant dans l’attente des ordres…

Vers 13 heures, ils ont commencé à affluer sur la place de la République, se préparant pour le rendez-vous de 14 heures.

Nous aussi.
La place était noire de monde, ça faisait plaisir… l’ambiance chaleureuse, on se parlait à nouveau.

Au cœur de la place, les chaussures symbolisant tous les marcheurs empêchés, et des autels improvisés, messages, fleurs, bougies, en hommage aux victimes des attentats. L’histoire en train de se faire se lisait dans tous ces symboles.

Nous avons commencé à défiler en nombre derrière Alternative libertaire, au cri de Liberté, État d’urgence, État policier, on ne nous empêchera pas de manifester… Mais nous avons très vite été bloqués par les CRS, et inutile d’aller à l’affrontement… Nous avons fait demi-tour, et nous nous sommes engagés dans un tour de la place de la République, avec cette fois le NPA en tête… Et, à mi-parcours, les flics ont commencé à charger. Il n’y avait aucune agressivité de la part des manifestants, je n’ai vu contre les lacrymos que quelques chaussures voler et quelques fleurs aussi. Beaucoup de clowns pacifistes essayaient de leur faire face… impuissants.

Vers 15 h 30, les lacrymos ont eu raison de nous… mais impossible de sortir de la place. Il y avait des personnes âgées, des enfants… mais ça continuait à charger. Mouvement de panique… les gens voulaient sortir, mais les stations de métro étaient fermées… Les CRS bloquaient chaque artère… Ils laissaient sortir au compte-goutte et à la tête du client… Nous avons pu sortir, avec Danielle, après une fouille en règle de son sac.

De retour à la maison, j’étais furax en attendant France Inter… L’ultragauche était donc revenue sur le devant de la scène, comme du temps de Tarnac… Mais non, mais non, c’était la gauche, la vraie gauche qui était là, debout, jeune et moins jeune, déterminée et consciente… Et c’est cette vraie gauche qui doit se mobiliser contre cet Etat d’urgence liberticide. Ce n’est pas en déroulant un tapis rouge au fascisme que nous parviendrons à lutter contre un autre fascisme, religieux cette fois. Nous devons réagir très fort avant qu’il ne soit trop tard…

Michèle – C3V Maison citoyenne



Ci-dessous en PDF un article de Médiapart sur cette manifestation, très fidèle à ce qui s’est réellement passé pour ce que j’en ai vu.






Une fort intéressante journée « climats ».

lundi 30 novembre 2015

Chères et chers ,

Il me faut vous adresser quelques mots. Après deux jours consacrés à Maman et à sa maison, après d’heureux, de très heureux moments avec elle, avec une sœur, avec des amis, j’avais voulu avec quelques collègues et amis icaunais me joindre hier dimanche à ceux qui à Paris avaient souhaité malgré les interdictions multiples, les fouilles de militants écolos, les assignations à résidences, ou plutôt à cause d’elles, à travers elles, exprimer plus que jamais nos préoccupations pour le climat, et nos craintes que le grand rassemblement de sommités internationales qui s’ouvrait à Paris, elles-même pressurées par d’autres grandes puissances, économiques et financières notamment, ou de petits intérêts politiques, manquent de courage et d’ardeur pour prendre des décisions, il est vrai lourdes et difficiles, mais dont nous sommes un certain nombre dans presque tous les pays du monde* à être convaincus (je n’a pas écrit cons vaincus) que d’elles dépend l’avenir de la Terre, en tout cas celui de beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants sur la Terre.

Nous étions convenus (je n’ai pas écrit cons venus) de nous retrouver Bd Voltaire pour constituer (je n’ai pas écrit… mais le cum latin est la plus solidaire préposition qui soit) quelques maillons de la grande chaîne humaine qui allait s’allonger de Nation à République ; nous nous sommes retrouvés à peu près comme prévu dans cette foule immense, 10000, ai-je entendu et lu plusieurs fois (dans notre secteur j’ai compté que nous étions une centaine par 3 numéros impairs de bd ; le bd compte à peu près 150 n° impairs ; 100:3x150=à vous de calculer : mon approximation n’arrive qu’à la moitié ). J’ai admiré dès ce moment, puis plus tard, la rigoureuse, efficace organisation de plusieurs des associations animatrices, à la fois pour assembler ces milliers de maillons, et pour inviter, inciter à la sagesse dans la bonne humeur. Étonnant le nombre d’âges, de langues, de styles différents ; de sexes je n’en ai vu, disons plutôt identifié pour éviter tout regard oblique, même chez les forces dites de l’ordre (« vos papiers, s’il vous plaît ! »), que deux. Je vous assure, très sympas, très conviviaux ces moment où chaque voisin, voisine est un frère, une sœur, où l’on échange des infos, des adresses, en même temps que les tracts que l’on a apportés ou qui vous ont été confiés. Et cette sensibilité n’est peut-être pas seulement due à mon âge qui s’avance. Les portables (avec lesquels presque un sur deux est occupé dans le train ou le métro) ne fonctionnent pas toujours, mais qu’importe ! L’hélicoptère de surveillance fait d’ailleurs beaucoup de bruit. On est mains dans les mains, voix dans les voix pour exprimer notre souci commun et notre volonté qu’il soit entendu et pris en considération.

Tout se déroule à peu près comme il nous avait été indiqué. Puis lorsque la chaîne se dénoue, nous finissons par savoir que certains autres icaunais _ notamment le couple auquel, étant monté à Versailles en voiture, j’avais proposé de le raccompagner_ se sont attablés à un resto dans une autre rue près de la Place de la République. Nous les y rejoignons, non sans ouvrir nos manteaux et nos sacs en passant près des forces dites de l’ordre. En effet chacun des accès à la place est barré par des véhicules de police rangés côte à côte et par des cordons de messieurs (et de dames) en uniformes, CRS, Compagnies Républicaines de Sécurité, m’a-t-il semblé. Nous avons tout juste le temps de boire un café, déjà il est l’heure initialement prévue pour le rassemblement sur la place. Plusieurs veulent s’y rendre. Nous les suivons, curieux de ce qui va se passer, au fond toujours assez irrités d’avoir l’impression que l’État d’urgence est bien utile à certains pour empêcher les citoyens inconvenants de marcher sur les plates-bandes de « l’autorité ». Une chance donc, peut-on même penser, ces attentats, pour le Président Hollande, pour les Ministres Valse et Casanova (celui-ci venu jusque derrière ses agents dans sa belle berline). Nous repassons les lignes sans difficulté. On nous remercie même d’ouvrir spontanément vestes et cabas.

La place n’est pas bondée. Combien de milliers, je ne le puis dire. Quelques groupes visiblement organisés_ dans quelle intention ? Des clowns aux nez rouges obéissant au chef pour marcher et tourner au pas. Toujours nos vigiles organisateurs et leur vestes vertes, attentifs à tout. Et surtout, aux pieds de la République, des centaines de fleurs, de feuilles, d’images, et même des flammes, en hommage à ceux qui viennent d’ être tués par des malades endoctrinés. Il en est arrivé d’autre bouts de la Terre ; j’ai pu lire ainsi : peuples et (ou) gouvernements de Nouvelle Zélande, de Corée… (Je suis très attentif en ce moment aux portraits que Le Monde publie chaque jour de chacun, chacune des victimes.) Inquiétude et recueillement donc au milieu des rires, des sourires et des chants. Brusquement, des éclats (pour moi de lumière plus que de son), de la fumée qui vient vers nous, le nez qui pique, les yeux qui s’embuent. Des grenades lacrymogènes ont été tirées vers un groupe qui insultait les forces dites de l’ordre, comprenons-nous en regardant de ce côté d’où vient le vent, tout un amorçant un repli stratégique vers une bouche de métro. Un baptême pour moi : heureusement que je ne suis pas mort il y a cinq ans ; heureusement peut-être aussi que je ne suis pas mort percuté par une grenade comme Rémi Fraisse sur le barrage de Sivens l’an passé. D’autant que si j’ai bien lu, l’Urgence actuelle dédouane plus encore qu’alors les tireurs de l’ordre de ce genre d’accident.

Métro (mais ni boulot ni dodo). Nous avons pu monter dans une des dernière rames autorisées à s’arrêter à la station. Sommes sortis à la suivante pour tenter d’attendre nos connaissances avant de rentrer. Inutilement : plusieurs n’avaient pu quitter la place. Ce sont eux qui, retrouvés plus tard à la gare, nous ont raconté. Il y a eu des objets, enflammés parfois, envoyés vers les uniformes, le feu mis aux documents offerts aux morts du 13, rapidement éteint par les vestes vertes, d’autres tirs de grenades ; puis les forces dites de l’ordre se sont déployées tout autour de la place, dénichant chacun d’où il a pu se fourrer ( à côté d’eux une dame et sa toute petite fille réfugiées sous une porte cochère) et contraignant tout le monde à se concentrer au milieu de la place, puis exfiltrant chacun vers les rues voisines, en retenant certains. L’art … et la matière, voyez-vous. Mes passagers et moi sommes revenus chercher notre monture à Versailles puis avons sans problèmes regagné notre campagne par l’autoroute, pourtant notée fermée, comme les autres par le train.

Je n’ai pas envie de passer à la conclusion. On peut sans doute en tirer bien des différentes. Je vous laisse ce soin. Envoyez-moi les vôtres, s’il vous plaît.

* voir Emma Ruby-Sash-Avaaz

Dom - C3V Maison citoyenne

Enfin, puisque l’une de vous, amie des lettres et des hommes, poète, vient de me rappeler cette chanson de Barbara, quittons-nous avec « Perlimpinpin » :

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